Songes d’Hermaphrodite
Les personnages
Gaïa : personnifie la terre mère. Elle forma avec son fils Ouranos le premier couple divin, mettant au monde des dieux et des monstres.
Ouranos : Père d’Aphrodite, fils et époux de Gaïa, il détestait ses enfants. Il les enferma au fond des Enfers dans le Tartare. Il fut tué par son fils Cronos, alors aidé de ses frères, de ses sœurs et de leur mère Gaïa.
Cronos : Un Titan qui eut de nombreux enfants avec sa sœur Rhéa, ceux-ci devaient devenir les dieux célèbres dans toute la Grèce, dont Poséidon et Zeus. Pour conserver son trône, il dévora ses enfants sauf Zeus, qui fut protégé par sa mère. Devenu adulte, Zeus entra en rébellion contre son père et l’obligea à restituer ses frères et ses sœurs.
Aphrodite : Née du sang qui tomba dans la mer quand Cronos eut mutilé son père Ouranos, Aphrodite devint la Déesse de l’amour et de la beauté. Adultère, elle trompa fréquemment son époux Héphaïstos. Elle eut avec ses amants plusieurs enfants dont : Éros, Antéros et Hermaphrodite.
Éros : Supposé fils d’Arès et d’Aphrodite, il est plutôt la réincarnation de lui-même, ce dieu, dominant le monde d’avant sa naissance, représente le désir et le plaisir qui rapprochent et engendrent les parties pour faire les mondes.
Antéros : Fils d’Ariès et d’Aphrodite, il venge son frère Éros lorsque les mortels se refusent à l’amour, il remplace la passion par l’antipathie et la sécheresse dans les cœurs. Il est dans le désordre de l’amour, la pondération, l’équilibre et la raison.
Hermaphrodite : Fils d’Hermès et d’Aphrodite, il était un jeune homme d’une rare beauté. Un jour lorsqu’il se baigna dans les eaux où habitait une nymphe : celle-ci, émerveillée, demanda aux dieux de lui être unie pour toujours. Les dieux l’ayant exaucée, ils ne formèrent plus qu’une seule personne d’une double nature.
La nymphe : Divinité féminine de la nature d’une rare beauté, fille de Zeus et du Ciel.
Les thèmes
Le personnage Hermaphrodite, à la recherche de son identité, cherche à vaincre son milieu, un monde de passions trop souvent ordonnées par l’éducation transmise par la nature même de sa mère, Aphrodite. Troisième point d’un triumvirat, elle subit l’enthousiasme d’Éros à l’amour ainsi que les foudres d’Antéros à chaque reconnaissance de ses réels besoins et désirs.
Acte I
Éros et Antéros s’interrogent sur l’objet de la recherche amoureuse.
Le chœur
Aimer, c’est de la folie,
Une sensibilité qui nous soustrait
À notre rôle de force et de courage.
Aimer, être doux, docile, affable,
Exprimer du cœur, parler de sentiments,
Jouir de la présence d’un autre
En lui donnant tous ses plaisirs.
Oui ! Aimer, c’est de la folie, un écart
De conduite, une faute dans les manières.
C’est manqué de sérieux, croire en l’autre,
Donner sans compter. Oh quel leurre !
Alors ils sont fous, des vrais.
Ils aiment aimer, quelle horreur !
Et lorsque s’y mêle la passion,
Quelle compassion, quelle obsession !
Est-ce uniquement de la folie
Ou plutôt la guerre ?
Éros
Je suis flux magnétique qui attire et qui aspire
Tout vers l’indécente situation
De joindre et de tout fusionner.
Je suis celui qui lie, qui cimente, qui dissout
Dans l’amour, les aspirations et les forces.
Je sens, je vois, je sais, je perçois.
Puis-je réellement me tromper ?
L’amour est un piège capable de faire interagir
Tous les sens à motiver la vie.
Antéros
Tu sais ce que tu dois
Et je ne suis pas ce que tu crois.
Ni plus ni moins unis
Dans l’espace des habitudes.
Le hasard a fait les choses
Je ne sais comment les vivre.
Gris sont mes jours, las sont mes nuits
Dans l’espace des habitudes.
La vie s’étire et je m’éparpille
Dans mes inquiétudes.
Je suis meurtri et contemplatif,
Disponible aux regards et aux sourires
À un événement à vivre.
Comme si un jour cela se pouvait
Comme si un jour, j’y étais
Malgré que je sais…
Qu’il ne s’agit que de l’espace des habitudes !
Le chœur
Le malheur s’abat sur nous
Comme une nuée de sauterelles.
Il divorce mot à mot.
Nos souvenirs,
Ravagent nos désirs,
Soutenant l’ire.
Il nous écrase comme une pesée
Que l’on doit transporter.
Il nous écrase comme une vérité
Que l’on ne peut oublier !
Le malheur s’abat sur nous
Sur un monde éperdu
Au ventre des langueurs
Épris d’un désir heureux
D’être.
Le malheur s’abat sur nous
Parce que…
Oh ! Innocence délicate de notre désir
D’aimer, d’adorer, d’implorer,
Ce que nous ne savons même pas être.
Acte II
Tractations d’Aphrodite.
Aphrodite
Un mal me gruge me déchire, me poursuit toujours
Il ne veut disparaître. Comment puis-je faire
Pour me soustraire
À sa mémoire ?
Mes cellules sont de deux.
Elles ne s’amenuisent pas.
Inlassablement devant leurs visages, leurs yeux, leurs gestes,
Elles s’activent, elles m’agacent, elles m’envahissent.
Mes cellules sont à eux
Tiraillées par la raison, bouleversées par la passion.
Antéros
Mère je te questionne,
Mais tu n’y réponds pas.
Je parle à ton oreille,
Tu ne m’entends pas.
À l’indifférence,
Je fuis tes yeux meurtriers
Qu’à leur simple croisement
J’en suis bouleversé.
Mère, j’aimerais apprendre les mots de l’amour,
Ceux qui percent et transpercent les hérésies,
Ceux qui devraient être dits,
Ceux qui m’échappent à tous jours.
Aphrodite
Et aussi je devrais t’apprendre
À dire adieu à quelqu’un que tu aimes
Mais qui ne t’aime pas.
T’apprendre à te dire adieu à toi-même,
Comme si le corps ignorait sa vie,
L’esprit, sa pensée.
Te montrer à vivre seul.
À attendre, c’est similaire qu’à pleurer.
Savoir qu’il est là, près ou loin, sans pouvoir espérer.
Parler à l’imperturbable.
Connaître l’inébranlable,
Comment peut-être le renoncement ?
L’odieux c’est trop souvent ne jamais être deux.
Cet amour, sans départ, ce sacrifice, cet abandon,
Doublé d’ignorance, d’indifférence, d’intransigeance,
Cette force de dire adieux à quelqu’un que l’on aime
Et qui ne nous aime pas,
C’est ne parler à personne, sans défense
Définitivement ne pas être, ni même compris.
Dire je t’aime, nos chemins se séparent,
Même s’ils ne se sont jamais rejoints.
Rêver, désirer, penser passionnément à lui
Pendant qu’il n’y était pas.
Apprendre à oublier les adieux et à se retirer.
Trop souvent fermer le rideau sur un spectacle qui ne fut.
Sur un intermède d’un acteur,
Où le monologue se termine,
Sur un éternel chagrin de penser
Que même dans cette solitude,
Tu seras toujours seul à pleurer.
J’ai la solitude de lui, d’eux et de vous.
Je le désire de toute ma soif,
Je le pleure de toute ma misère d’aimer.
J’ai la solitude de toute absence.
Éros
Un jour de mars, au soleil des pleurs
À la vue des ignares, des passants et des rêves,
Dans l’immensité du silence des nuages,
Je te donnais la vie, la douceur, la joie
De voir le jour, la pluie, le bonheur d’un nous.
Rêve d’autrui
Que j’aimerais t’aider, toi qui te détruis.
Moi qui ne sais même pas ce que je suis.
Dans cette vie,
Au cœur de ce laboratoire
Où chacun fait ses expériences.
Où la satisfaction des besoins est l’unique essence.
Je suis poursuivi par le regret de ce que je n’étreins pas.
L’amour s’en va et somme en reste.
On se résigne à lui conserver la conscience.
Qu’elle est belle la vie,
Lorsque la passion l’embellit !
Antéros
Les sentiments à fleur de peau,
Le temps brûle le canevas de la vie
Et nous restons là, impassibles
Pendant que la passion nous crie.
J’ai peine à exprimer ma pensée
À des gens qui ne savent aimer.
Délicatement infusé,
Leurs raisons se sont accolées
Et leurs vies se sont équilibrées.
Aphrodite
Un sourire, un temps de silence,
L’allocution commence,
Tout redevient de connivence.
Des mots, des mots et des phrases
L’intervalle s’écrase
Et je me paraphrase.
Au mouvement de ses lèvres,
Aux caprices de ses yeux,
Aux plaisirs, à nous deux
Chaque geste me soulève.
Le temps se précipite, tout est à dire
Mais au moment propice
Le silence pourra nous servir.
Comprendrez-vous un jour,
Que l’amour, c’est pour toujours !
Que l’on restera des amants,
Et que du temps, même peu nous ayons,
Ensemble, jamais nous ne serons,
Assez près, assez aimé, assez aimant.
Le chœur
Après avoir tué le faux, restera-t-il seulement du vrai ?
Pour l’autre à qui la vérité est morte,
Voudra-t-il lui aussi détruire le faux ?
À une réalité correspondent toujours d’autres réalités,
Comme des vases communicants.
Acte III
Transmutation d’Hermaphrodite, près d’une fontaine où habite une nymphe.
Hermaphrodite
Je meurs d’envie de voir ma vie connaître l’amour.
Attentif depuis des ans
J’attends ce moment,
J’imagine les images,
Les chaleurs et les gestes,
Attentif à chaque instant.
Crayon en main,
Ordre du jour dressé
Que faudra bien lui dire
Pour de plaisirs l’inonder,
Et de charmes l’endoctriner.
Attentif j’attends
Depuis des temps.
Je me crée des espérances,
Je m’invente des croyances.
Attentif depuis des ans.
Le moment arrive
Dans le silence, je le contemple.
Dans l’heure qui vient de passer,
On s’est bien compris,
Dans le silence
Rien n’a été dit.
La nymphe
Et tu t’es miré en moi
Comme jadis le fit Narcisse.
Ta beauté m’a ému
Et je t’ai invité en mon sein.
Toi en moi, moi en toi,
Ton corps dans mon eau,
Mon eau dans ton corps,
Ensemble pour un instant d’éternité
Nous nous sommes assemblés.
Et s’enivrant de ta présence,
Au diapason de ton langage,
Je contemplerai copieusement le temps
Qui fusionner à l’espace entre nos vies,
Dans une existence, une envie
Et dans nos plaisirs aussi.
Hermaphrodite
Misère des ténèbres, d’une nuit, d’un jour
Comme aveugle de l’époque, j’erre à tout croire
Que je serais l’amant, le dieu de la vie
D’une déesse, ma maîtresse, toujours unie.
Emporté du vent, de la vague,
Du courant des alentours
Basculé d’euphorie, oublié d’hérésie
Je suis persuadé regardant l’absurde point
D’une rencontre indéfinie qui se meurt au loin.
La nymphe
L’univers se subdivisant
De part et d’autre, je fais des choix.
De tous les amours, je n’ai pas le droit.
De la prosternation à l’indulgence
De l’insouciance à l’indifférence,
Je ne peux séparer ma pensée
Vers toi je ne fais qu’aspirer.
Hermaphrodite
se baignant
Et nous ne restons plus distants à attendre
Nos cœurs dilapidés et tendres.
Cet instant imprévu
D’un coma temporel,
Aux confins des querelles,
À inventer une pensée,
Un, je t’aime fondu.
Ce moment inoubliable.
Nous gruge et nous passionne.
Ton sourire m’allume, je t’aime, je m’aime.
Je déraisonne.
Et de pas, en pas je vais vers toi
Brodant l’histoire de goutte-à-goutte,
Tu t’incrustes et t’accoles à moi.
Maintenant, je suis dans toi
Et toi en moi.
Le chœur
Les dominos sont tombés. Les murs,
Les quais, les idées sont bouleversés.
Un champ d’éternelle solitude
Se situant aux confins des attitudes
Reste et pleure.
Un monde s’est détruit.
Un mot et quelques gestes dans une phrase ont suffi.
Le mécanisme s’est déclenché
Et une à une les idées entrechoquées
Furent bouleversées.
Sous le pas lourd des malaises
Que l’amour, la passion biaise,
Ils sont à tendre la main.
Noyé en leurs larmes du demain.
Leurs yeux ont pris le teint bleu
De l’océan interne de leurs pleurs.
Hermaphrodite
métamorphosé(e)
Lorsque tu es et que je suis,
Une forme indissoluble se crée.
Les souvenirs entassés éclatent
Et j’ai peur, je pleure, j’y meurs.
On ne peut comprendre le mal
Sans le vivre. Ni l’extraire de soi.
Il s’infiltre comme un glaive
Dans une peau fragile, il croît.
Et sourires après regards, la chair
Se hisse, peu à peu. La plaie s’inonde.
Et la douleur s’exclame,
À aucune oreille pour l’entendre.
Lorsque tu es et que je suis,
La vie s’arrête, le monde y tourne.
Peut-on comprendre l’invécu ?
Peut-on voir l’indéfini ?
Mais moi je pleure, je gémis et je crie
L’indifférence méchanceté.
Cette passion dévorante m’explorait
De mes entrailles au cuir de ma peau,
Je frissonnais d’espoir de connaître le beau,
Le doux, les parfums, les rondeurs des corps.
Puis, elle s’est infiltrée partout explosive.
Latente, insoumise et sournoise
Et d’un sourire, d’un regard, elle a pavoisé
Mon esprit, mon désir s’y est enivré.
Douce amie de mon incertitude,
Elle a enflammé mes jours de lassitude,
Dévoré mes nuits de peur,
Envahie mon esprit, cette maîtresse du bonheur.
Le chœur
Hermaphrodite, tu es ni l’un ni l’autre.
Mais homme et femme,
Comme ton nom l’indique, Androgyne.
Tout ce que l’amour peut espérer.
Tu es celui de qui tu espères et par qui tu donnes vie.
Acte IV
Éloge à la complémentarité et à la différence.
Hermaphrodite
Dans un monde étoilé, de rêve et de sueur
À ton ouïe sans écoute, à ton œil qui pleure
Nul ne peut exprimer plus que moi se dire,
Inutile de croire, de penser, de vouloir l’écrire
Et te soumettre mon identité, mon idéal, mes utopies,
La vie s’écrase dans le mystère,
La vie s’étire d’une période
Et je suis toujours à atteindre mon univers.
Gaïa
Dans un silence d’or
Avec des mots d’ivoire
Nul ne peut rien dire
Nul désaccord.
Innocenté du rire,
Elle chante
La vie pour dire,
La terre se vente.
Elle crie pour fuir.
Le chœur
À la découverte du moi,
Dans son cheminement intérieur,
L’humain n’est qu’une variable utopie
De rêve et de raison, de désir et de passion.
Tiraillé sans fin en lui-même, sans solution
Cherchant l’espoir et la réponse
À des questions sans formule,
Il pense que l’autre connaît,
Il pense qu’il trouvera,
Puis un jour il se mure dans sa réalité
Celle qu’à lui, il s’est faite.
Quand auront-ils la maturité
D’ouvrir la porte de l’avenir ?
Quand de ce monde auront-ils l’audace
D’en réformer les paramètres et les règles ?
Quand seront-ils où réside Dieu,
Pour lui parler et le conseiller à faire mieux ?
Ils doivent repenser leur devenir.
(Silence)
Qu’elle est cette folie,
Témoins du défi Auteurs-Dieu-Création,
Ils y sont perdus parce que confiants en leur énoncé,
Ils restent écrasés sous le poids de leur propre vérité.
De plus, il y a un manque d’éthique dans le vol des biens
Comme dans l’imposition de ces idées et de ces besoins.
Gaïa s’adressant à la cosmologie
La cacophonie des chants revendicateurs,
Des réclamations qui finissent en chicane,
La guerre des pouvoirs à se défendre
Toi qui m’attaques, oh compétition !
Gaïa, l’auteur te parle
Qu’ils sont petits ces Humains !
J’avais le choix,
Tout leur donner tel Hermaphrodite
Ou les diviser en de multiples confusions.
J’ai cru que l’avenir appartenait
À l’apprivoisement et à l’intrigue,
À la déraison de la passion
Plutôt qu’à la stagnation ;
À la volonté de vivre
Plutôt qu’à immuabilité,
Au devenir, plus qu’à ce qu’il puisse être.
Hermaphrodite
Mère, puisse un jour, être, simplement heureux (se).
Être uni, être tout, c’est encore être seul.
Mais comment vivre sans ce continuel désespoir ?
Gaïa
Avec les autres, avec et dans le respect
De son entourage, de son environnement
À la recherche de son identité de différences.
Décider simplement d’être
En contrôle de sa vie.